Ladislas Starewitch, ou Ladislas Starevitch (russe : Владислав Старевич) né Władysław Starewicz du Clan Odrowąż, né le 8 août 1882 à Moscou, mort le 26 février 1965 à Fontenay-sous-Bois, est un réalisateur russe d’origine polonaise de films d’animation.
Né à Moscou de parents polonais favorables à l’indépendance de la Pologne (la Pologne était alors divisée entre l’Empire allemand, l’Autriche-Hongrie et la Russie), il perd sa mère à l’âge de quatre ans et est élevé par ses tantes à Kovno, alors capitale de la Lituanie et qui fait partie aussi de l’Empire russe. Son père est pharmacien. Durant son enfance, il s’intéresse au dessin, à la peinture et à l’entomologie.
En 1906, il épouse Anna Zimmermann. Ils ont deux filles, Irène (1907-1992) et Jeanne (dite Nina Star, 1913-1984). Il travaille au cadastre à Kovno et occupe ses loisirs à faire du théâtre, photographier, puis filmer. Il est l’un des cofondateurs du musée ethnographique de Kovno.
Il réalise en 1909 deux courts-métrages sur la Lituanie, puis des films entomologistes à visée pédagogique. La difficulté de filmer des insectes vivants le conduit à utiliser des insectes morts, articulés avec du fil de fer. Parti s’installer à Moscou, il y fait la connaissance d’Alexandre Khanjonkov, pionnier du cinéma russe. Il acquiert en quelques années une notoriété internationale pour ses films d’animations et de dessins animés. La Cigale et la Fourmi, en 1911, est le film russe au plus grand tirage de l’époque, avec 140 copies, et le premier à être projeté en dehors de Russie, à Londres et à Paris, au Gaumont-Palace. Avec La Vengeance du ciné-opérateur en 1911, il utilise la technique du film dans le film. Il réalise en 1912 La Belle Lucanide, inspiré de la Belle Hélène, un film d’animation avec des scarabées. Les détails sur ses techniques sont toujours difficiles à trouver aujourd’hui. Des rapports dans la presse londonienne à la sortie de ce film, avançaient l’hypothèse que les insectes étaient en vie et ont été formés par un savant russe.
Starewitch se lance dans la prise de vues réelle en adaptant, conformément au goût de l’époque, de grands classiques de la littérature. Il emporte un grand succès en Russie avec le film La Nuit de Noël d’après Gogol en 1913, dans lequel le célèbre acteur Ivan Mosjoukine interprète le premier rôle. Il adapte aussi de Gogol La Terrible Vengeance et le Portrait, Rouslan et Ludmilla d’après Pouchkine, et Sniegourotchka d’après Ostrovski. Au début de la guerre de 1914-1918, il réalise quelques films satiriques, dont le Fils adoptif de Mars, satire politique du Kaiser et des généraux. La guerre l’empêche toutefois de poursuivre dans la voie de l’animation. Starewitch réalise alors surtout des films alimentaires, dont Stella Maris en 1919, tiré du roman de William John Locke.
Le Roman de Renard (avec des subtitles en anglais) – LIEN
Après la révolution de Février, Khanjonkov quitte Moscou pour Yalta et Starewitch vient le rejoindre début 1918, dans cette zone où les Bolchéviks n’ont pas encore pris le pouvoir. Lorsque l’industrie cinématographique est nationalisée en 1919 par les Bolchéviks qui menacent de prendre le pouvoir en Crimée, il quitte Yalta pour l’Italie et s’installe rapidement et définitivement en France fin 1920.
Il y renoue avec le cinéma d’animation, avec Dans les griffes de l’araignée, histoire dramatique, réalisée en 1920 et sortie en 1924. Il s’établit à Joinville-le-Pont, puis à Fontenay-sous-Bois en 1924, où il travaille avec sa famille : sa femme Anna fait les costumes, sa fille Nina est actrice, sa fille aînée Irène est son assistante.
Starewitch réalise durant cette période les classiques de sa filmographie : Les Grenouilles qui demandent un roi, Le Rat des villes et le Rat des champs d’après La Fontaine, La Voix du rossignol, Les Yeux du dragon, L’Amour en noir et blanc, dont les marionnettes représentent Charlie Chaplin, Tom Mix, Mary Pickford, La Petite Parade et L’Horloge magique. Sa fille cadette, Nina, va jouer dans certains films, comme L’Épouvantail, La Reine des papillons, La Voix du rossignol ou La Petite Chanteuse des rues. Il s’agit de la période la plus féconde de son œuvre : il tourne environ deux films par an et son imaginaire et son talent se renouvellent dans chaque film.
En 1929 et 1930, il tourne son chef-d’œuvre, en collaboration avec sa fille Irène, son premier long métrage sonore en noir et blanc, qui est aussi le premier long métrage du cinéma d’animation, Le Roman de Renard, animant des personnages habillés de daim, de velours et de cuir, auxquels il donne véritablement vie : respiration, mouvements des yeux, etc. Le producteur, Louis Nalpas, fait échec, car il avait choisi pour le film la sonorisation sur disque, qui est tout de suite remplacée dans le marché par la sonorisation sur pellicule. Le film n’est diffusé qu’en 1937 en Allemagne où il remporte de nombreux prix et en 1941 en France, avant de tomber rapidement dans l’oubli.
Le film Poussette reste inachevé. Il existe encore quelques images tournées en 1931. En 1933, il envisageait un projet fantastique, La Création du monde. Ladislas Starewitch évoquait une mise en scène grandiose, en mêlant prises de vues réelles et animation. Malheureusement, le film reste seulement à l’état de scénario.
Il réalise en suite son autre œuvre de grande reconnaissance, la série du chien Fétiche, qui commence en 1933 avec Fétiche mascotte, dont la longueur originelle a été reconstituée en 2012 et qui est considéré comme un de ses films les plus créatifs. Il signe un contrat avec Marc Gelbart pour en faire une série avec ce personnage. Ensuite, il tourne Fétiche prestidigitateur (1934), Fétiche se marie (1935), Fétiche en voyage de noces (1936), Fétiche et les sirènes (1937, pas sonorisé). Fétiche père de famille (1937) reste inachevé, à cause des malversations du producteur. Seules six minutes sont tournées de ce dernier.
Pendant la guerre, il connaît une période difficile. Il tourne des films publicitaires, tandis que ses œuvres des décennies précédentes tombent dans l’oubli et que sa fille aînée perd la vue. De ces films, aucun n’a été conservé à présent.
En 1946, Starewitch commence à préparer Le Songe d’une nuit d’été d’après Shakespeare, mais il reçoit des chèques sans provisions de la part du producteur et décide de tout arrêter en 1948. Les marionnettes et quelques décors avaient été fabriqués. Il réalise en collaboration avec Sonika Bo Zanzabelle à Paris, qui remporte la médaille d’or dans la catégorie « Films pour enfants » au Festival de Venise.
En 1949 il réalise son premier film en couleurs, Fleur de fougère, sur une légende scandinave et remporte le premier prix du meilleur dessin animé au XIe festival du film pour enfants organisé dans le cadre de la Biennale de Venise. Ensuite, il tourne deux films en collaboration avec Sonika Bo, Gazouilly petit Oiseau et Un dimanche de Gazouillis. En 1956 il met en scène un renard, un lapin et un ourson, Patapouf, dans Nez au vent. Grâce au succès de ce court métrage, Patapouf et le lapin réapparaissent dans Carrousel boréal, son dernier film.
Il décède en 1965 en laissant Comme chien et chat inachevé.
Ladislas Starewitch est considéré comme un précurseur du cinéma de marionnettes, ou poupées animées. La plupart de ses films de la période tsariste sont perdus mais ses films français sont actuellement disponibles en DVD.
Les marionnettes et le tournage
Elles ont une structure entièrement articulée en fil de fer (cuivre ou plomb) et bois léger, ensuite recouverte de peau de chamois et habillée en divers tissus. La tête est sculptée dans du bois léger et recouverte de peu de chamois aussi. Les yeux sont en perles ou en ver. Elles sont capables de mouvoir les yeux, la bouche, les paupières, et les sourcils grâce à la peau de chamois, qui peut être plissée à volonté pour donner les expressions nécessaires. Certaines sont munies de mécanisme pour respirer. La taille des marionnettes varie selon les plans du tournage : 5-10 centimètres pour les plans éloignés, 20-30 centimètres pour les plans moyens. Les plus grandes marionnettes sont celles du Roman de Renart, dont le lion mesure environ 80 centimètres. Certaines étaient utilisées dans divers films. Par exemple, dans Fétiche mascotte, on peut voir des marionnettes de L’Épouvantail, de La Petite Parade, de L’Horloge magique…
Sur la table de tournage sont posées des plaques de liège qui permettent de fixer la marionnette debout grâce à des clous qui traversent les pieds. Les films sont réalisés image par image, en animation en volume. Pour qu’il n’y ait pas des sauts de lumière entre deux images, Starewitch modifiait ses caméras pour que la lumière du plateau soit directement proportionnelle au temps d’exposition de la pellicule. Pour les mouvements rapides, il bougeait la marionnette pendant l’exposition, cela donnant du flou au mouvement. Pour les courses-poursuites, bien nombreuses dans ses films, la marionnette était suspendue avec des fils invisibles. Pendant le tournage, celle-ci est animée en courant vers une direction, pendant qu’un décor déplaçable enfile vers l’autre, ce qui finalement donne un effet saisissant. Il utilisait aussi des projections de vues réelles.
Filmographie
1909
Au-delà du Niemen
La Vie de la libellule
Les Scarabées
1910
La Belle Lucanide (Prekrasnaïa Leoukanidia)
La Lutte des cerfs-volants
La Guerre sanglante entre les cornus et les moustachus
1911
La Vengeance du ciné-opérateur (Mest kinematografitcheskovo)
Le Noël des insectes
La Cigale et la Fourmi (Strekoza i mouravieï)
1912
La Terrible Vengeance (Strachnaïa mest)
Scènes amusantes de la vie des insectes
Un voyage sur la lune
1913 : La Nuit de Noël (Notch pered Rojdtesvom)
1913-1914
Rouslan et Lioudmila (Rouslan i Lioudmila)
La Fille des neiges (Sniegourotchka)
1914 : Le Fils adoptif de Mars (Passynok Marsa)
1915
Le Portrait (Portret)
Le Lys de Belgique
1917 :
Sachka le jockey
Le Pouvoir populaire
1918 : Cagliostro
1919 : Stella Maris
1920 : Dans les griffes de l’araignée, sortie en 1924
1921
Le Mariage de Babylas
L’Épouvantail
1922 : Les Grenouilles qui demandent un roi
1923
La Voix du rossignol
Amour en noir et blanc
1924 : La Petite chanteuse des rues
1925 : Les Yeux du dragon
1926 : Le Rat des villes et le Rat des champs
1927
La Cigale et la Fourmi, remake du film de 1911
La Reine des papillons
1928 : L’Horloge magique
1929 : La Petite Parade
1931 : Poussette, inachevé
1932
Le Lion devenu vieux
Le Lion et le Moucheron
Comment naît et s’anime une ciné-marionnette
1933 : Fétiche mascotte
1934
Fétiche prestidigitateur
Crainquebille, partie animée
1935 : Fétiche se marie
1936 : Fétiche en voyage de noces
1937
Fétiche chez les sirènes
Le Roman de Renard
Fétiche père de famille, inachevé
1947 : Zanzabelle à Paris
1949 : Fleur de fougère
1953 : Gazouilly petit oiseau
1954 : Gueule de bois
1955 : Un dimanche de Gazouilly
1956 : Un nez au vent
1958 : Carrousel Boréal
1965 : Comme chien et chat, inachevé